Jeudi 6 décembre, Belliard recevait le « gourou » du fromage Xavier THURET, Meilleur Ouvrier de France Fromager pour une masterclass passionnante dispensée à nos apprentis BTS MHR, BP et BAC PRO.
Une première question sur son expérience au concours de MOF en 2007 a lancé la conférence.
Xaxier Thuret explique avoir participé au concours suite à la question d’un élève pendant une intervention dans un lycée hôtelier. « Pourquoi fabrique t-on du fromage ? « . Blanc, il sèche. « Je savais répondre à comment on fabrique du fromage mais pas à pourquoi. Je me suis dit qu’il fallait que je reprenne les bases de mon métier et j’ai décidé de préparer le concours du MOF ». Pour l’anecdote il trouvera la réponse auprès de ses parents : on fabrique du fromage quotidiennement pour conserver le lait et éviter les pertes !
Le professionnel a ensuite partagé son parcours personnel avec nos jeunes.
Le gourou du fromage est né à côté de Meaux, cela ne s’invente pas. Fils d’agriculteur, il explique que plus jeune il était en échec scolaire et se destinait à la cuisine. Suite à une mauvaise expérience chez un traiteur, il renonce à ce projet. L’année du brevet des collèges, sa mère l’envoie en job d’été dans une laiterie au poste de plongeur des moules à fromage. Ce n’est pas un job de rêve mais cela lui laisse le temps d’observer les professionnels qui passent leurs journées entières à mouler des fromages. Premier choc et coup de coeur professionnels. Le jeune Xavier Thuret de l’époque se dit alors qu ces hommes doivent être vraiment mordus au vu de la pénibilité du travail. Il est subjugué par l’érudition de ces hommes et de leur amour du travail bien fait. La passion était née. Il retournera à la laiterie les deux été suivants au poste du salage de fromage « qui vous fait des mains rugueuses et dures comme le bois » puis finalement au moulage. La rentrée suivante, il loupe les inscriptions de l’école d’industrie laitière et se résout à suivre un BEP commerce. « Les test d’orientation étaient formels mais j’étais très timide alors un BEP Commerce imaginez. Mais je l’ai fait en alternance chez un affineur pour garder contact avec ma passion et comprendre ce que voulait le client ».
Il poursuit avec un BAC PRO puis un BTS action commerciale tout en travaillant pour une petite PME laitière, qui sera finalement rachétée par Lactalis en 1998. Xavier THURET débute en tant que technicien commercial, fait un passage au marketing et gravit les échelonjs. L’histoire dure depuis 28 ans.
« J’ai alors 25 ans, je suis le plus jeune directeur marketing régional de l’entreprise et j’atteins alors mon niveau d’incompétence. Je me perds dans les méandres administratifs et m’éloigne de ce qui me passionne : le produit. Je fais une sorte de « burn-out ». Je pensais qu’on allait me remercier… Pas du tout : les managers de Lactalis me proposent alors de travailler avec les prescripteurs du secteur, crémiers, affineurs, grands chefs étoilés pour voir quelle approche ils ont avec le fromage. ».
Depuis plus de vingt ans, Xavier THURET s’est donné le défi passionnant de remettre le fromage sur le devant de la scène dans tous les restaurants aussi bien dans la cuisine que dans le service.
« Avec les chefs, nous avons réfléchi sur la façon dont ils peuvent travailler le fromage de A à Z sans perte. Ce n’est pas un simple produit fini, il faut repenser la cuisine à base de fromage et que le chef s’approprie le fromage de manière intelligente. On peut faire des mises en bouches au fromage, un espuma à base de croûtes sur un velouté, des gaufrettes, des biscuits apéritifs… » explique le MOF.
« En salle, les fromagers sont comme les serveurs, nous sommes des transmetteurs d’émotions. Cinquante pour cent de la réussite d’un moment au restaurant tient au service. Animer une salle, une table, donner de la lumière… J’adore les techniques de découpage, de flambage car elles créent un moment unique. Le fromage est lui aussi un moment d’émotion ». déclare avec enthousiasme Xavier Thuret. Il regrette par ailleurs que le fromage ne représente au total qu’une demi-journée d’apprentissage dans les écoles hôtelières sur 3 ans de formation et croise les doigts pour la création d’une MC Fromage.
Que se passe t-‘il la plupart du temps en salle ? Vient le choix du fromage OU dessert ; le serveur s’excuse presque de proposer un « petit morceau de fromage ? « . En quelques années, le dessert a subi une super-mutation. Nous sommes passés du chariot de desserts de cuisiniers au « dessert star » des pâtissiers et du café gourmand. En France, malgré tout notre savoir-faire, le fromage lui est resté sur place, relégué au second rôle ! « déplore t’il.
« L’effet confinement a obligé les restaurateurs à repenser la restauration. Nous nous sommes assis autour d’une table avec des chefs, des sommeliers, des serveurs, des affineurs pour faire du service du fromage un moment hautement émotionnel, un moment à part entière. Pendant le confinement, les gens ont dû apprendre à cuisiner. Depuis ils ne viennent plus au restaurant pour simplement se nourrir mais pour vivre une expérience.
Le concept du « fromage gourmand » était né. L’idée est de proposer au client de consommer le fromage comme un produit expérientiel en l’associant avec aussi bien du salé, du sucré, du fruité, des épices ou de l’alcool ! Le camembert matche très bien avec la fraise, le bleu avec la crème de marron, le champagne viendra sublimer un brillat-savarin… Le champs des possibilité est infini !
Tout au long de son intervention, Xavier Thuret s’est livré avec plaisir au jeu des questions et réponses de nos apprentis : le meilleur fromage au lemonde selon lui, son avis sur lesfauxmages (à base de lait végétal), le phénomène de la tyrosine dans le comté…
Avant de lancer la dégustation de fromages et prodiguer ses derniers conseils en matière de coupe, le MOF a conclu par un message inspirant à nos jeunes : « En presque 30 ans de carrière, mon métier n’a jamais été un métier mais une passion et c’est tout ce que je vous souhaite ! ».